Saint Exupéry

Mon plus grand choc littéraire, je l'ai eu à 17 ans, en lisant "Vol de nuit"

Je me souviens d'avoir passé les pauses de mes 15 premiers jours d'été sur une très vieille marche en pierre située face à l'immensité d'un champ.

Personne ne pouvait atteindre mon univers.
Une position stratégique où je pouvais lever le nez vers le ciel et voir mon héros aux commandes de son avion, entendre le ronronnement du moteur.
Des fois, il me venait à l'idée que l'aviation ne représentait rien pour moi, mais à façonner des hommes aussi grands et nourrir des aspirations aussi fortes dans leur coeur, je me disais que chacun de nous devait être aviateur dans son domaine.

Ma vie s'est orientée comme une métaphore de cet univers où chacun prend un rôle distinct. Ce "tous pour un, Un pour tous" a galvanisé mon âme d'adolescente à la recherche de sens.

Je suis aviatrice, mécanicienne, avion, tempête, montagne.
Je suis cette bête qui n'aurait pas eu le vrai courage d'un homme.

Je suis ce grain de sable, indispensable aux rouages du monde, aussi minuscule que gigantesque.
Cette mère qui pleure son enfant, dont la tendresse orpheline deviendra inutile.
Cette femme qui attend sa raison de vivre, évanouie dans la grandeur du devoir.

Je suis cette douleur qui entend la douleur de l'autre comme l'écho de son propre cri, mais ce n'est pas grave, parce qu'aussi sûrement que l'aviateur assuma son destin, je marcherai vers le mien.

Le premier à inventer l'empathie fut Jésus.
Parfois, je me demande si Saint Ex n'en fut pas la réincarnation!

Si vous avez découvert cet auteur et qu'il vous a fortifié dans votre projet de vie...à moins qu'il ne s'agisse de quelqu'un d'autre!

Superbe post !

J'ai une très mauvaise mémoire et je ne me rappelle plus mon premier choc littéraire, mais j'en éprouve tous les jours au gré de mes lectures. Ces chocs ne sont pas seulement littéraires, ce sont des collisions avec la vie elle-même. Je suis un "regardeur" et tous les détails me frappent. Une fissure dans un mur me fascine, le regard d'un inconnu qui regarde ses pieds en attendant au feu rouge, aussi. Je suis un sensitif qui se noie dans l'abondance des informations qu'il perçoit. Alors, pour survivre, je dois minimaliser sans cesse ce qui m'arrive, sinon je m'identifie à la fissure dans le mur et la sent vivre en moi. Avec les gens c'est pareil. C'est pourquoi, je me suis inventé une personnalité "pare-choc". Celui que j'appelle le "bougeur". C'est deux personnalités sont indépendantes. Le bougeur agît et expérimente sans cesse et le regardeur l'observe et tire les leçons sans faire de sentiment, alors que le bougeur, lui, est un écorché vif. Avec l'âge, il m'arrive de pouvoir faire coïncider mes deux personnalités. Ce sont des moments de plénitude sans pareils.

abuzin

Quand tu dis "regardeur", ça me rappelle Pagnol...
César avait nommé ainsi l'émissaire de Marius qui n'avait trouvé que ce moyen lors de son bannissement, pour avoir des nouvelles de son père...

Nous partageons cette insistance à regarder ce qui est insignifiant pour beaucoup.
Cela comporte un grand danger, comme tout ce qui se révèle une expérience forte. Tu l'as très bien dit: l'abondance des informations nous livre cruellement à celles des perceptions.
Il arrive une seconde, où l'on "est" l'autre.

Je suis peintre et le moindre effet pictural, chromatique, graphique est toujours un événement pour moi.
Je suis capable de garder n'importe quel chiffon, papier d'essai, etc...pour ne pas perdre la magie de "l'accident"

Chez moi, c'est une obssession, regarder...puis accéder à la vision!