"LQR la propagande du quotidien" d’Éric HAZAN, publié aux éditions Raisons d’agir (126 pages, 6 €), un bouquin cruel pour décrypter la langue de nos élites (on ne dit plus oligarques, ça fait Russe ni classe dirigeante car il n'y a plus de classes).
De modernité à gouvernance en passant par transparence, réforme, crise, croissance ou diversité : la Lingua Quintæ Respublicæ (LQR), la langue officielle de la cinquième république, est pratiquée chaque jour dans les journaux, les supermarchés, les transports en commun, les « 20 heures » des grandes chaînes, à la domestication des esprits.
Comme par imprégnation lente, la langue du néolibéralisme s’installe : plus elle est parlée, et plus ce qu’elle promeut se produit dans la réalité.
Néolibéralisme, c’est déjà un mot de cette novlangue (néo c’est nouveau et libéralisme c’est liberté, tout ça pour ne pas dire capitalisme).
Créée et diffusée par les publicitaires et les économistes, reprise par les politiciens, la LQR est devenue l’une des armes les plus efficaces du maintien de l’ordre.
Le livre de E HAZAN décode les tours et les détours de cette langue omniprésente, décrypte ses euphémismes, ses façons d’essorer les mots jusqu’à ce qu’ils en perdent leur sens, son exploitation des « valeurs universelles » et de la « lutte antiterroriste ».
Désormais, il n’y a plus de pauvres mais des gens de condition modeste, les opprimés ont disparus en même temps que les oppresseurs. Comme la misère est devenue trop visible pour qu’on puisse la nier les politiques ont trouvés un mot formidable pour la désigner, les exclus. L’opération est rentable, puisqu’un exclu l’est toujours un peu par sa faute. Remplacer les opprimés par les exclus c’est remplacer la lutte pour la justice sociale par l’humanitaire.
Il n’y a plus de classes mais des couches sociales, les infirmes sont devenus des handicapés, les femmes de ménage des techniciennes de surface et les imbéciles des mal comprenant.
Grâce à la LQR on rend acceptable et neutre le racisme ordinaire en parlant des « jeunes issus de l’immigration », ce qui veut dire qu’ils sont noirs ou arabes qu’ils habitent des quartiers sensibles et appartiennent à un univers arabo-musulman.
C’est ainsi que la LQR substitue aux mots de l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la soumission.
Il n’y a plus de révolte dans les banlieues mais des émeutes. Il y a des Français de souche et des immigrés de la troisième génération.
Pour faire souche dans la V° république il faut combien de génération ?
"LQR, la propagande au quotidien" Eric Hazan, éditions Raisons d'agir (6 euros)