Hier, je vous narrais mon aventure parlante avec le merle ventripotent qui a élu domicile dans mes lauriers et qui, père de famille nombreuse me dispute la cueillette des cerises.
Ce matin, patatras, mon merle faisait la grève des cerises, à mon avis, il s’était sans aucun doute trop empiffré hier.
Je l’ai bien compris quand je l’ai vu arpenter la pelouse, la tête bien droite et les mains jointes bien serrées dans le dos par-dessus sa soutane bien noire.
Il faut dire que lorsque je le vois déambuler ainsi il me rappelle furieusement 4411, autrement dit le glaive de Dieu.
Mais je ne vous ai jamais parlé de 4411, l’Abbé Lucien Lafleur qui signait ainsi nos bulletins de colle et qui officiait en tant que Glaive de Dieu, autrement dit Surveillant Général à l’Institution Saint Joseph où les Bons Pères essayaient d’inculquer, tout à la fois, la culture, l’ordre, la discipline et l’amour de Dieu à des hordes d’adolescents boutonneux dont je faisais partie et pas dans les rangs des sujets les plus disciplinés.
Enfin bref, comme disait le marchand de parapluies fin lettré et féru d’histoire de France qui tenait boutique Avenue Fontaine Argent, nous nous éloignons de notre merle que j’ai laissé à son circuit circum-pelouse dans une attitude d’ecclésiastique embarrassé par des excès de nourriture terrestre.
J’ai tout de suite vu qu’il avait l’œ(alt 156 sur un beurk)uil vide, on aurait dit le regard absent du Chanoine Barisien, qui était le Père Supérieur de l’institution Saint Joseph que j’évoquais il y a quelques lignes. Le regard vide et absent du Chanoine Barisien n’avait d’égal que sa poignée de main molle dont se gaussaient tous les clercs du diocèse.
À ce sujet, le Lapin, c’est ainsi que nous appelions l’Abbé Lièvremont notre prof de philo, disait toujours en regardant fixement rien du tout (mais dans sa pensée c’était l’au-delà douloureux auquel nous étions tous promis) « Ah, serrer la main du Père Supérieur, c’est une expérience mystique qui vous fait côtoyer à la fois Belzébuth et Marie-Madeleine ! »
Bien entendu, nous ne comprenions goutte à cette déclaration et ce n’est que bien longtemps après que l’aumônier de ma province scoute m’a traduit l’expression en ces termes : « avec sa panse proéminente tu vises trop bas et tu serres une chose trop molle et trop chaude »
Pour en revenir à mon merle,
mais retenez quand même les détours sur lesquels je ne reviendrai pas lorsque j‘aborderai mon voyage de la croyance native vers l’agnosticisme, il avait bien l’air d’avoir commis le péché de gourmandise et d’avoir du mal à s’en remettre.
À suivre…